30.06.2016

Noix de muscade

Noix de muscade – Mot du jour - EVS Translations
Noix de muscade – Mot du jour – EVS Translations

La noix de muscade, connue depuis l’Antiquité pour ses propriétés culinaire et médicinales, a fait son apparition en Europe au Moyen Âge. De l’Océan Indien, les marchands arabes l’ont introduite via le port de Venise, sans en révéler la source.

Le prix élevé de l’épice valant parfois son pesant d’or résultait principalement de la croyance selon laquelle elle peut prévenir la propagation de la peste bubonique, croyance qui s’est malheureusement avérée erronée. Toutefois, les Européens lui avaient reconnu des propriétés hallucinogènes.

On estime que ces propriétés ont été consignées pour la première fois au XIIe siècle par l’abbesse bénédictine allemande Hildegard de Bingen qui ne se lassait pas de répéter que pour être heureux et positif, il fallait consommer régulièrement des biscuits à la noix de muscade. La première utilisation officielle écrite du terme date néanmoins de l’année 1387, mention ayant été faite dans les archives du ministère britannique des affaires étrangères (British Foreign Office Records). Dans les deux années suivantes, la noix de muscade était évoquée dans Sir Thopas de Geoffrey Chaucer et dans On the Properties of Things de John Trevisa.

À la fin des années 1400, les Portugais prirent le contrôle du commerce des épices, repris plus tard par les Néerlandais contre lesquels les Britanniques se sont battus pour accéder à cette épice rare. La langue anglaise a adapté le terme latin nux = « noix » + muscat, en passant par le vieux français nois muguete, une altération restée inexpliquée de nois muscade, une « noix qui sent comme du musc ».

La grande valeur de la noix de muscade a fait en sorte que les exportateurs de l’épice se sont mis à ajouter des copies en bois dans les sacs, procédure qui a enrichi l’argot victorien de la fin des années 1800. L’expression « being nutmegged » signifiait alors « être dupé ou trompé, notamment de manière à ce que la victime ait l’air ridicule et le trompeur intelligent ».

Alors que la France accueille le Championnat d’Europe de football, le contexte est opportun pour examiner l’incursion de la noix de muscade dans la terminologie footballistique. En football, le terme « nutmeg » utilisé dans les pays anglophones fait référence à la technique, appelée « petit pont » en français, consistant à faire passer le ballon entre les jambes d’un adversaire et à le récupérer. Et comme le savent bien les plus habiles adeptes du geste que sont Messi, Ronaldo et Kaka, un « nutmeg » bien exécuté a le pouvoir d’enthousiasmer les foules et de redynamiser toute l’équipe, tandis qu’un « nutmeg » qui tourne mal risque de déclencher une contre-attaque susceptible de changer le cours de la partie.

Il est tout à fait plausible que le sens du mot « nutmeg » en football soit dérivé de l’expression idiomatique décrite plus haut. Il existe cependant une autre théorie, selon laquelle le talent de placer le ballon entre les jambes d’un adversaire tire son nom d’une toute autre signification des termes « nuts » et « nutmegs », bien plus familière : en effet, l’usage de ces termes pour désigner les testicules est attesté depuis le milieu du 17e siècle, et apparaît pour la première fois à l’écrit dans des balades anglaises de 1690 : « I’ll immediately whip out your nutmegs, he cried. » (« Je m’en vais de ce pas te faire jaillir les noix de muscade, s’exclama-t-il »).