11.01.2017

Ramoneur – Le mot du jour

Ramoneur – Le mot du jour - EVS Translations
Ramoneur – Le mot du jour – EVS Translations

Il n’est pas vraiment logique qu’un métier plutôt sale, dangereux et peu prestigieux soit associé à la chance. Mais, logique ou pas, certains pensent qu’un mariage ne saurait être réussi sans qu’un ramoneur serre la main du marié ou embrasse son épouse. D’autres considèrent comme un bon présage de saluer un ramoneur ou même de tourner l’un de ses boutons en argent dans les premiers jours de la nouvelle année. Et la royauté n’est pas épargnée par ces superstitions : on dit que pour se porter chance le jour de son mariage à la Princesse Elizabeth, aujourd’hui Reine d’Angleterre, le Prince Philip a quitté Kensington Palace en hâte pour serrer la main d’un ramoneur. Mais pourquoi le ramoneur est-il devenu un tel porte-bonheur ?

Selon la légende la plus ancienne, un ramoneur aurait en 1066 sauvé la vie de Guillaume le Conquérant, Roi d’Angleterre, en le poussant hors de la trajectoire d’un carrosse dont le cocher avait perdu le contrôle. Empli de gratitude, le monarque aurait alors érigé les ramoneurs au rang de porte-bonheur. D’après une histoire plus récente et peut-être plus connue, le Roi d’Angleterre George III se trouvait un jour à bord de son carrosse lorsque les chevaux furent effrayés par des grognements de chiens. Seule la réactivité d’un ramoneur empêcha l’attelage de se renverser, ce qui explique que la profession ait dès lors été auréolée de bonne fortune. Enfin, pour les plus romantiques d’entre nous, une troisième histoire évoque un ramoneur qui, ayant perdu l’équilibre, se retrouva suspendu à une gouttière. Une jeune femme lui vint en aide, ils tombèrent amoureux au premier regard et se marièrent (d’où l’expression anglaise « being (chimney) swept off her feet », qui signifie littéralement « être balayée de terre (par un ramoneur) », c’est-à-dire être séduite). Cela explique pourquoi on rencontre souvent le motif du ramoneur aux mariages.

Outre la tradition et le romantisme, il est important de rappeler la nature plus « pratique » du ramoneur. À partir du Moyen Âge, le feu s’est révélé essentiel et un mauvais entretien des cheminées pouvait empêcher les familles de cuisiner ou de chauffer leurs maisons, mais aussi avoir des conséquences mortelles en raison des émissions de monoxyde de carbone ou des risques d’incendie. Il est donc compréhensible que la personne capable d’éviter ces déconvenues et d’entretenir le foyer et la cheminée ait été considérée comme un porte-bonheur. Et si l’on omettait de faire réaliser cet entretien, une tradition répandue dans certains pays européens voulait que les ramoneurs fassent le tour des maisons du quartier le Jour de l’an pour proposer subtilement leurs services. En plus de relancer les affaires, ces visites étaient considérées comme un bon augure par les gens.

Maintenant que nous connaissons l’histoire de cette tradition, voyons comment le ramoneur s’est invité dans la littérature anglaise. Sa première occurrence date de 1518 et se trouve dans le poème satirique Cocke Lorelles bote ; en 1598, on le retrouve dans la comédie Love’s Labour’s Lost, de Shakespeare. Shakespeare réfère de nouveau à un ramoneur dans la pièce Cymbeline, King of Britain : « Golden lads and girls all must, As chimney-sweepers, come to dust », ce qui signifie « Les jeunes garçons et les jeunes filles vêtues d’or Doivent devenir poussière comme les ramoneurs ». Dans ces vers présentant une image enchanteresse de la mort, ce sont en réalité les pissenlits que Shakespeare appelle « ramoneurs » car c’était le terme utilisé pour désigner ces fleurs dans le Warwickshire, comté de naissance du dramaturge.