02.05.2017

Carpe diem

Carpe diem – Mot du jour - EVS Translations
Carpe diem – Mot du jour – EVS Translations

Si l’on songe que le latin est considéré comme une langue morte, il est vraiment fascinant de constater comment une expression – qui date de plus de 2000 ans – peut encore résonner aussi fortement aujourd’hui.

L’aphorisme Carpe diem a été inventé par le poète lyrique romain Horace dans son poème 11 du premier livre de son recueil Odes (23 av. J.-C.). Le poème constitue un avertissement à une jeune et jolie femme, Leuconoë, qui s’inquiète de son avenir, et lui conseille en substance d’accepter son sort et de profiter du moment présent : « Sois sage, filtre tes vins et mesure tes longues espérances à la brièveté de la vie ! Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit. Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain ! »

Généralement, Carpe diem se traduit par « profite de chaque jour », mais sa signification est bien plus nuancée que cela. Le mot latin carpe signifie littéralement « cueillir », par référence à la cueillette des fruits (dérivé du mot grec karpos « fruit ») et diem correspond à « jour » ; ainsi, Carpe diem pourrait se traduire par « cueille le jour lorsqu’il est mûr ».

Nous avons tous connu des moments où nous nous imaginions heureux et satisfaits en nous projetant dans l’avenir – après avoir fini un projet, atteint l’âge de la retraite, remboursé notre prêt étudiant ou notre prêt immobilier, élevé nos enfants, etc. Malheureusement, beaucoup d’entre nous passent leur vie dans un mode de démonstration, en montant un puzzle d’objectifs et en espérant que lorsque toutes les pièces seront finalement assemblées, nous atteindrons un état idéal de bonheur et de satisfaction.

La sagesse enseignée par Carpe diem nous rappelle qu’il ne faut pas gâcher sa vie à placer de l’espoir dans l’avenir, car celui-ci est incertain, mais au contraire profiter au mieux du moment présent.

Et bien que de nombreux auteurs aient cité l’aphorisme de Horace, c’est Lord Byron qui l’a intégré dans la langue anglaise dans son recueil Letters and Journals de 1817, publié en 1830 par Thomas Moore : « Je n’anticipe jamais, – Carpe diem – notre passé n’appartient qu’à nous-mêmes, ce qui est une bonne raison de s’approprier le moment présent. »

À la fin du 19e siècle, Walter Pater a adapté la philosophie Carpe diem à la théorie esthétique en écrivant dans son livre Conclusion to the Renaissance (1873) que les gens devraient percevoir la vie comme un « mouvement permanent » et en jouir intensément, car nous sommes tous promis à la mort et la seule option est de profiter des moments exquis lorsqu’ils se présentent à nous : « Ce n’est pas le fruit de l’expérience, mais l’expérience elle-même qu’il faut chercher. »

La même leçon a été méditée par Oscar Wilde, bien que l’idée sous-jacente ait été violemment combattue par son contemporain Gilbert Keith Chesterton, connu comme le « prince du paradoxe », lequel écrivit en 1901 dans sa chronique hebdomadaire du Daily News que la philosophie Carpe diem d’Oscar Wilde n’était pas celle des gens heureux.

Plusieurs siècles avant que Horace n’ait inventé le terme Carpe diem, Salomon prônait dans l’Ecclésiaste (8:15) une philosophie similaire : « Mangez, buvez et soyez heureux », ce à quoi le prophète Isaïe ajoutait : « Mangeons et buvons, car nous mourrons demain » ; aujourd’hui, cette attitude qui consiste à profiter de la vie autant que possible, car elle ne dure pas, trouve sa traduction moderne dans le hashtag très tendance #YOLO (on ne vit qu’une fois).