17.11.2015

Gribouillage – Mot du jour

À première vue, on pourrait croire que vous essayez de passer le temps et que vous n’êtes pas attentif : vous avez été pris en flagrant délit de gribouillage. Pour beaucoup, cet acte est considéré comme un moyen de tuer l’ennui, comme le fait de jouer à Angry Birds lors d’une réunion. Cependant, la science pourrait bien tordre le coup à cette idée reçue. Mais avant de faire l’éloge des « gribouilleurs » et de révolutionner à jamais les réunions, intéressons-nous à l’usage anglais de ce mot.

En anglais, gribouillage se dit « doodle ». Bien qu’essentiellement associé à des dessins informes et aux Doodles de Google, ce mot avait à l’origine un tout autre sens. Dérivé du bas allemand Dudeltop, doodle était initialement utilisé pour désigner un imbécile ou un simple d’esprit, comme dans la célèbre chanson Yankee Doodle chantée par les loyalistes britanniques pendant la révolution américaine (1775-1783). Si d’une personne ce mot en est venu à définir des gribouillis artistiques, c’est parce que ces petits dessins étaient considérés par beaucoup comme une perte de temps inutile, œuvre des imbéciles.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les gribouillages sont bien plus complexes qu’il n’y parait. Une expérience réalisée en 2009 par l’université de Plymouth a montré que les personnes qui gribouillaient au cours d’une réunion retenaient en moyenne 29 % d’informations en plus que les autres. De plus, en 2011, un article de Science a démontré que, en dessinant/utilisant des éléments visuels au lieu de n’utiliser que des mots, les gens comprenaient mieux un concept particulier et étaient plus à même de le transmettre. Pour finir, il semblerait que les gribouillages eux-mêmes aient un sens caché : d’après les graphologues, si vous gribouillez de petites lignes droites, vous êtes probablement timide et pragmatique. À l’inverse, si vous gribouillez de grandes formes arrondies et des lignes courbes, vous êtes probablement sensible, sûr de vous et ouvert.

La première utilisation connue du mot doodle en anglais se trouve dans une pièce de théâtre de 1629 de John Ford, The Lover’s Melancholy, où il écrivit : « Vanish, Doodles, Vanish », utilisant le mot dans le sens d’imbécile, de fou. Russell Arundel fut le premier à utiliser et définir le mot avec le sens que nous lui connaissons aujourd’hui. Dans son livre de gribouillages de 1937, il écrivit : « A ‘doodle’ is a scribbling or sketch made while the conscious mind is concerned with matters wholely unrelated to the scribbling » (« Un “gribouillage” est un croquis réalisé lorsque l’esprit conscient est préoccupé par des affaires qui n’ont absolument rien à voir avec ce dessin. »). Vingt ans après Arundel, comprenant que ces gribouillages étaient bien plus que de simples dessins informes, Helen Gardner affirma dans The Limits of Literary Criticism que lorsque les « premiers brouillons, notes et « gribouillages » d’un écrivain ont été conservés, nous pouvons essayer de retracer avec un succès limité les mécanismes de l’imagination créatrice ». Il est intéressant de noter que, bien que Gardner ait écrit ces mots il y a près de 60 ans, nous découvrons aujourd’hui qu’elle avait raison, mais que cela ne vaut pas seulement pour les écrivains.